------------------------------------------------------------------

------------------------------------------------------------------

______________________________________________


______________________________________________

jeudi 9 septembre 2010

#121


« L’expérience de l’œuvre d’art comme immédiatement dotée de sens et de valeur est un effet de l’accord entre les deux faces de la même institution historique, l’habitus cultivé et le champ artistique, qui se fondent mutuellement : étant donné que l’œuvre d’art n’existe en tant que telle, c’est-à-dire en tant qu’objet symbolique doté de sens et de valeur, que si elle est appréhendée par des spectateurs dotés de la disposition et de la compétence esthétiques qu’elle exige tacitement, on peut dire que c’est œil de l’esthète qui constitue l’œuvre d’art comme telle, mais à condition de rappeler aussitôt qu’il ne peut le faire que dans la mesure où il est lui-même le produit d’une longue histoire collective, c’est à dire de l’invention progressive du « connaisseur », et individuelle, c’est à dire d’une fréquentation prolongée de l’œuvre d’art. Cette relation de causalité circulaire, celle de la croyance du sacré, caractérise toute institution qui ne peut fonctionner que si elle instituée à la fois dans l’objectivité d’un jeu social et dans les dispositions inclinant à l’entrée dans le jeu, à s’y intéresser. Les musées pourraient écrire à leurs frontons – mais ils n’ont pas à le faire tant cela va de soi – que nul n’entre ici s’il n’est amateur d’art. Le jeu fait l’illusio, l’investissement dans le jeu du joueur averti qui, doté du sens du jeu parce que fait par le jeu, joue le jeu et, par là, le fait exister. »

Pierre Bourdieu ; Les règles de l’art.

Terme visuel :

Michaël Borremans; The pupils (Merci Racha).