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jeudi 31 décembre 2009

#28


« J'ai commencé par faire l'hypothèse que l'Orient n'est pas un fait de nature inerte. Il n'est pas simplement là tout comme l'Occident n'est pas simplement là (...) l'Orient est une idée qui a une histoire et une tradition de pensée, une imagerie et un vocabulaire qui lui ont donné réalité et présence en Occident et pour l'Occident.

(...)


Croire que l'Orient a été crée - ou selon mon expression, “orientalisé” - et croire que ce type d'événements arrive simplement comme une nécessité de l'imagination, c'est faire preuve de mauvaise foi. La relation entre l'Occident et l'Orient est une relation de pouvoir et de domination.

(...)


Dans une société non-totalitaire, certaines formes culturelles prédominent [...] sur les autres, tout comme certaines idées sont plus répandues que d'autres; la forme que prend cette suprématie est appelée hégémonie par Gramsci, concept indispensable pour comprendre quelque chose à la vie culturelle de l'Occident industriel. C'est l'hégémonie ou plutôt les effets de l'hégémonie culturelle, qui donne à l'orientalisme la constance et la force dont j'ai parlé (...). On peut bien soutenir que le trait essentiel de la culture européenne est précisément ce qui a rendue hégémonique en Europe et hors d'Europe : l'idée que l'identité européenne est supérieure à tous les peuples toutes les cultures qui ne sont pas européennes. »
Edward W. Saïd. L'Orientalisme; l'Orient crée par l'Occident.

Terme visuel : pioché dans
exhibitions recueil d'images de l'exquise Racha B.

mercredi 30 décembre 2009

#27



« Résolument de ce monde ce sont des hommes de spectacle rodés au mass média, sachant convaincre par la séduction et le développement d'une religiosité très émotive.

(...)


L'émotion, l'introspection et la et la quête du bonheur individuel sont les valeurs qui dominent dans un discours fonctionnant souvent comme une thérapie émotionnelle et marqué par une approche hédoniste du croire et un souci de l'
achievement : culte de l'ambition, valorisation de la réussite et de la mobilité sociale ascendante, appels à l'efficacité composent les ingrédients essentiels d'un prêche très mondain au double sens du mot.


(...)

La réification des dimensions politiques et éthiques du religieux ne doit pourtant pas faire illusion : la nouvelle orientation économique de la religiosité ne se réduit pas à la vieille antienne des
marchands de religion (Tujjar ad-din) exploitant la piété populaire à des fins purement mercantiles, ressassée ad nauseaum par la presse laïque arabe. Au delà des appétits matériels, un en jeu symbolique collectif fort se profil : reconstruire un nouveau muslim pride individualisé qui ne passe pas par la revendication politique, mais par la performance économique. »
Patrick Haeni, L'islam de marché, l'autre révolution conservatrice.

#26


« Le foulard n'incarne pas une alternative aux flux culturels de la mondialisation, mais l'inscription, par une logique marchande, d'un objet local socialement apprécié au sein d'un univers transnational, non moins prisé par ailleurs, qui, lui, fait la part belle au charme et à la séduction.
(...)
L'enjeu n'est plus de s'opposer aux modèles de l'espace public global, mais de les recarder légèrement au sein de cet espace en réalisant une “dérivation islamique” qui laissera les adeptes de “glocalisation” et les nostalgiques du génie des peuples sur leur faim : cette dérivation là n'est guère “créative” et confirme les modèles dominants sans les transformer ni les susbvertir.
Il s'agit bien de construire un cosmopolitisme musulman et bourgeois s'inspirant pleinement des motifs de la culture de consommation et consacrant l'abandon des stratégies de différenciation radicales au profit de recadrages pudiques. »


Patrick Haeni, L'islam de marché, l'autre révolution conservatrice.

Terme visuel : Sarah Maple, Bananarama.

lundi 28 décembre 2009

#25


«

12

Le spectacle se présente comme une énorme positivité indiscutable et inaccessible. Il ne dit rien de plus que « ce qui apparaît est bon, ce qui est bon apparaît ». L'attitude qu'il exige par principe est cette acceptation passive qu'il a déjà en fait obtenue par sa manière d'apparaître sans réplique, par son monopole de l'apparence.

30

L'aliénation du spectateur au profit de l'objet contemplé (qui est le résultat de sa propre activité inconsciente) s'exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir. L'extériorité du spectacle par rapport à l'homme agissant apparaît en ce que ses propres gestes ne sont plus à lui, mais à un autre qui les lui représentent. C'est pourquoi le spectateur ne se sent chez lui nulle part, car le spectacle est partout.

44

Le spectacle est une guerre de l'opium permanente pour faire accepter l'identification des biens aux marchandises ; et de la satisfaction à la survie augmentant selon ses propres lois. Mais si la survie consommable est quelque chose qui doit augmenter toujours, c'est parce qu'elle ne cesse de contenir la privation. S'il n'y a aucun au-delà de la survie augmentée, aucun point où elle pourrait cesser sa croissance, c'est parce qu'elle n'est pas elle-même au delà de la privation, mais qu'elle est la privation devenue plus riche.

50

Le résultat concentré du travail social, au moment de l'abondance économique, devient apparent et soumet toute réalité à l'apparence, qui est maintenant son produit. Le capital n'est plus le centre invisible qui dirige le mode de production : son accumulation l'étale jusqu'à la périphérie sous formes d'objets sensibles. Toute l'étendue de la société est son portrait. »

Guy Debord, La Société du Spectacle.

#24


« L’explosion n’aura pas lieu aujourd’hui. Il est trop tôt… ou trop tard.
Je n’arrive point armé de vérités décisives.
Ma conscience n’est pas traversée de fulgurances essentielles.
Cependant, en toute sérénité, je pense qu’il serait bon que certaines choses
soient dites.
Ces choses, je vais les dire, non les crier. Car depuis longtemps le cri est sorti de
ma vie.
Et c’est tellement loin…
Pourquoi écrire cet ouvrage ? Personne ne m’en a prié.
Surtout pas ceux à qui il s’adresse.
Alors ? Alors, calmement, je réponds qu’il y a trop d’imbéciles sur cette terre.
Et puisque je le dis, il s’agit de le prouver. »
Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs.

Télérama, les derniers des Imbéciles.

jeudi 24 décembre 2009

#23


« L'Occident : une pourriture qui sent bon, un cadavre parfumé.»
Emile Michel Cioran, De l'inconvénient d'être né.

Terme visuel : Dita Von Teese au Crazy Horse.

#22


« Dans le savoir, il y a du voir. »
Jacques Lacan.

Terme visuel : François Boucher, L'Odalisque brune.

#21

« Historiquement, comme conceptuellement, la société de masse a été précédée par la société, et société n'est pas plus un terme générique que société de masse; elle aussi peut être datée et historiquement décrite; (...). En fait, tous les traits que la psychologie collective a découverts entre-temps dans l'homme de la masse : son abandon – et l’abandon n’est ni l’isolement ni la solitude - indépendant de sa faculté d’adaptation ; son excitabilité et son manque de critères ; son aptitude à la consommation accompagnée de son incapacité à juger, ou même à distinguer ; par-dessus tout, son égocentrisme et cette destinale aliénation au monde que l’on prend depuis Rousseau pour une aliénation à soi - tous ces traits sont d'abord apparus dans la bonne société, où il n'était pas question de masses numériquement parlant. »
Hannah Arendt, La crise de la culture.


#20


« Nous savons maintenant ce qu'est le réel petit bourgeois : ce n'est même pas ce qui se voit, c'est ce qui se compte ; or ce réel, le plus étroit qu'aucune société ait pu définir, a tout de même sa philosophie : c'est le “bon sens”, le fameux bon sens des “petites gens” [...] Le bon sens est comme le chien de garde des équations petites bourgeoises : il bouche toutes les issues dialectiques, définit un monde homogène, où l'on est chez soi, à l'abri des troubles et des fuites du “rêve” (entendez d'une vision non comptable des choses). [...] En général, cette réduction équationnelle du monde prépare une phase expansionniste où l'“identité” des phénomènes humains fonde bien vite une "nature” et, partant, une “universalité”. »
Roland Barthes. Mythologies.

Je crois que nous tenons là la grammaire même du débat sur l'identité nationale”.

#19


« Mais plutôt que de sujet, peut-être conviendrait-il de parler de composantes de subjectivation travaillant chacune plus ou moins à son propre compte. Ce qui conduirait nécessairement à ré-examiner le rapport entre l'individu et la subjectivité et, en tout premier lieu, d'en séparer nettement les concepts. Ces vecteurs de subjectivation ne passent pas nécessairement pas l'individu; lequel, en réalité, se trouve en position de « terminal » à l'égard de processus impliquant des groupes humains, des ensembles socio-économiques, des machines informationnelles, etc. Ainsi, l'intériorité s'instaure-t-elle au carrefour de multiples composantes relativement autonomes les unes par rapport au autres, et, le cas échéant, franchement discordantes.


(...)

Je propose de regrouper en quatre principaux régimes sémiotiques les instruments sur lesquels repose le Capitalisme-Mondial-Intégré :
- Les sémiotiques économiques (instruments monétaires, financiers, comptables, de décision..)
- Les sémiotiques juridiques (titre de propriété, législation et réglementations diverses...);
- Les sémiotiques technico-scientifiques (plans, diagrammes, programmes études recherches);
- Les sémiotiques de subjectivation dont certaines se recoupent avec celles qui viennent déjà d'être énumérées mais auxquelles il conviendrait d'ajouter beaucoup d'autres, telles que celles relatives à l'architecture, l'urbanisme, les équipements collectifs, etc.



(...)

La subjectivité capitalistique, telle qu'elle est engendrée par des opérateurs de toutes natures et de toutes tailles, se trouve manufacturée de façon à prémunir l'existence contre toute intrusion d'événements susceptible de déranger et de perturber l'opinion. Selon elle, toute singularité devrait soit être évitée, soit passer sous la coupe d'équipements et de cadres de références spécialisés. Ainsi elle s'efforce de gérer le monde l'enfance, de l'amour, de l'art, aussi bien que de toute ce qui est de l'ordre du sentiment d'être égaré dans le cosmos... C'est à partir des données existentielles les plus personnelles - on devrait dire infra-personnelles - que le CMI constitue ses agrégats subjectifs massifs, accrochés à la race, à la nation au corps professionnel, à la compétition sportive, à la virilité dominatrice, à la star mass-médiatique..; En s'assurant du pouvoir sur le maximum de ritournelles existentielles pour les contrôler et les neutraliser, la subjectivité capitalistique se grise, s'anesthésie elle-même, dans un sentiment collectif de pseudo-éternité. »
Félix Guattari, Les trois écologies.

mercredi 23 décembre 2009

#18






toujours

« Ah voilà le retomber d'ailes inclus déjà dans le lâcher
D’emblée la voûte dans toute son horreur
Le mot polie rouillée et poule mouillée
Qui ronge le dessin de l'orgue de Barbarie
Il n'est pas trop tôt qu'on commence à se garer
A comprendre que le phénix
Est fait d'éphémères
Une des idées mendiantes qui m'inspirent le plus de compassion
C'est qu'on croie pouvoir frapper de grief l'anachronisme
Comme si sous le rapport causal à merci interchangeable
Et à plus forte raison dans la quête de la liberté
A rebours de l'opinion admise on était pas autorisé à tenir la mémoire
Et tout ce qui se dépose de lourd avec elle
Pour les sous-produits de l'imagination
Comme si j'étais fondé le moins du monde
A me croire moi d'une manière stable
Alors qu'il suffit d'une goutte d'oubli ce n'est pas rare
Pour qu'à l'instant où je me considère je vienne d'être tout autre et d'une autre goutte
Pour que je succède sous un aspect hors de conjecture
Comme si même le risque avec son imposant appareil de tentations et de syncopes
En dernière analyse n'était sujet à caution ».
André Breton, Signe ascendant.

Termes visuels : Métensomatosis de l'exquise Racha B.

#17


« La démocratie n’est ni la forme du gouvernement représentatif ni le type de société fondé sur le libre marché capitaliste. Il faut rendre à ce mot sa puissance de scandale. Il a d’abord été une insulte : la démocratie, pour ceux qui ne la supportent pas, est le gouvernement de la canaille, de la multitude, de ceux qui n’ont pas de titres à gouverner. Pour eux, la nature veut que le gouvernement revienne à ceux qui ont des titres à gouverner : détenteurs de la richesse, garants du rapport à la divinité, grandes familles, savants et experts. Mais pour qu’il y ait communauté politique, il faut que ces supériorités concurrentes soient ramenées à un niveau d’égalité première entre les "compétents" et les "incompétents". En ce sens, la démocratie n’est pas une forme particulière de gouvernement, mais le fondement de la politique elle-même, qui renvoie toute domination à son illégitimité première. Et son exercice déborde nécessairement les formes institutionnelles de la représentation du peuple. »
Jacques Rancière, Entretien avec Multitudes.

#16


«

57

La société porteuse du spectacle ne domine pas seulement par son hégémonie économique les régions sous-développées. Elle les domine en tant que société du spectacle. Là où la base matérielle est encore absente, la société moderne a déjà envahi spectaculairement la surface sociale de chaque continent. Elle définit le programme d'une classe dirigeante et préside à sa constitution. De même qu'elle présente les pseudo-biens à convoiter, de même elle offre aux révolutionnaires locaux les faux modèles de révolution. Le spectacle propre du pouvoir bureaucratique qui détient quelques-uns des pays industriels fait précisément partie du spectacle total, comme sa pseudo-négation générale, et son soutien. Si le spectacle, regardé dans ses diverses localisations, montre à l'évidence des spécialisations totalitaires de la parole et de l'administration sociales, celles-ci en viennent à se fondre, au niveau du fonctionnement global du système, en une division mondiale des tâches spectaculaires.

»

Guy Debord, La Société du Spectacle.

#15



«

34

Le spectacle est le capital à un tel degré d'accumulation qu'il devient image.



36

C'est le principe du fétichisme de la marchandise, la domination de la société par « des choses suprasensibles bien que sensibles », qui s'accomplit absolument dans le spectacle, où le mode sensible se trouve remplacé par une sélection d'images qui existe au-dessus de lui, et qui en même temps s'est fait reconnaître comme le sensible par excellence.

38

La perte de la qualité, si évidente à tous les niveaux du langage spectaculaire, des objets qu'il loue et des conduites qu'il règle, ne fait que traduire les caractères fondamentaux de la production réelle qui écarte la réalité : la forme-marchandise est de part en part l'égalité à soi-même, la catégorie du quantitatif. C'est le quantitatif qu'elle développe, et elle ne peut se développer qu'en lui.

54

Le spectacle, comme la société moderne, est à la fois uni et divisé. Comme elle, il édifie son unité sur le déchirement. Mais la contradiction, quand elle émerge dans le spectacle, est à son tour contredite par un renversement de son sens ; de sorte que la division montrée est unitaire, alors que l'unité montrée est divisée.

»

Guy Debord, La Société du Spectacle.

Terme visuel: Via MOBSOUND

dimanche 20 décembre 2009

#14

« De l'homme à l'homme vrai, le chemin passe par l'homme fou. »
Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique.

#13

« S'il est bon de rappeler que les dominés contribuent toujours à leur propre domination, il est nécessaire de rappeler dans le même mouvement que les dispositions qui les inclinent à cette complicité sont aussi un effet incorporé de la domination. Ainsi la soumission des travailleurs, des femmes et des minorités raciales n'est-elle point, dans la majeure partie des cas, une concession délibérée et consciente à la force brute des cadres, des hommes et des Blancs. Elle trouve sa genèse dans la correspondance inconsciente entre leur habitus et le champ dans lequel ils opèrent. Elle se loge au plus profond du corps socialisé ; elle est, pour tout dire, l'expression de la somatisation des rapports sociaux de domination. »
Loïc Wacquant; Introduction in Réponses

Terme audio-visuel : Sigalit Landau, Barbed Hula; installation vidéo.

#12

« Il en est de la musique comme des autres arts, y compris la littérature : la forme la plus haute de l’expression artistique est du côté de la littéralité, c’est-à-dire en définitive d’une certaine algèbre : il faut que toute forme tende à l’abstraction, ce qui, on le sait, n’est nullement contraire à la sensualité.
Et c'est précisément ce que l'art bourgeois refuse; il veut toujours prendre ses consommateurs pour des naïfs à qui il faut mâcher le travail et surindiquer l'intention, de peur qu'elle ne soit suffisamment saisie (mais l'art est aussi une ambiguïté, il contredit toujours, en un sens, son propre message, et singulièrement la musique qui n'est jamais, à la lettre, ni triste ni gaie.) »
Roland Barthes. Mythologies.

Plus bas, Debronckart crève l'œil pathétique du bourgeois (que les esprits faibles prennent pour mélancolique.)

#11


« - Nana! m'écriai-je, mais comme te voilà au goût du jour!
- Je suis, dit-elle, le goût même du jour, et par moi tout respire. Connais-tu les refrains à la mode ? Ils sont si pleins de moi qu’on ne peut les chanter : on les murmure. Tout ce qui vit de reflets, tout ce qui scintille, tout ce qui périt, à mes pas s’attache. Je suis Nana, l’idée du temps. As-tu jamais, mon cher, aimé une avalanche ? Regarde seulement ma peau. Immortelle pourtant, j’ai l’air d’un déjeuner de soleil. Un feu de paille qu’on veut toucher. Mais, sur ce bûcher perpétuel, c’est l’incendiaire qui flambe. Le soleil est mon petit chien. Il me suit comme tu peux voir.
Elle s'éloigna vers la rue Chauchat et je restai stupide, car au lieu d'ombre elle avait une écharpe de lumière qui l'escortait sur le dallage. Elle disparut dans le brouhaha lointain de l'Hôtel des Ventes. »
Louis Aragon. Le Paysan de Paris.

Terme visuel : Niki de Saint-Phalle.

mardi 15 décembre 2009

Humour blanc-cadavre.

«Alors que de nombreux pays du monde, dont la France, sont engagés en Afghanistan, qui pourrait comprendre que des afghans dans la force de l’âge n’assument pas leur devoir, et échappent à la formation que, notamment les forces françaises, leur proposent pour défendre leur propre liberté dans leur pays?» La phrase est du porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, qui dans un communiqué ce mardi a apporté un «soutien plein et entier» au ministre de l’Immigration Eric Besson pour l’expulsion d’Afghans en situation illégale.

Pour justifier l'expulsion qui pourrait avoir lieu ce mardi soir, Lefebvre rappelle que ce renvoi obéit à un «accord passé avec le gouvernement afghan et le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) des Nations Unies». «Tous les pays européens font de même. La France a mis en place un accord permettant d’agir de concert avec nos amis de Grande Bretagne.»

Les Afghans expulsés «se sont vu refuser l’asile dans notre pays, après avoir épuisé toutes les voies de recours», précise-t-il. «Ce qui signifie qu’ils ne sont en rien persécutés dans leur pays, et qu’ils ne sont pas des réfugiés politiques.»
Libération, le 15/12/2009.

*

« Après [ça] ces fils de putes s'étonnent quand y'a des clous dans les bouteilles d'gaz.»
Lunatic, Groupe sanguin (Mauvais Oeil, 2000)

#9


« Une fixation culturelle sur la minceur féminine n’est pas l’expression d’une obsession de la beauté féminine, mais de l’obéissance féminine. »
Naomi Wolf, Le mythe de la beauté. Via Périphéries )

#8


« Le papyrus

L'abeille
Le serpent
Livre tombé en oubli
Chantier devenu bagne
Abeille morte dans sa fleur
Serpent qui se déroule en épilogues menteurs »
Kateb Yacine. L'œil qui rajeunit l'âme in L'œuvre en fragments.

lundi 14 décembre 2009

#7


Il y a en chacun de mes moi-mêmes un nous sacré, qui à jamais sera, pour le soi-même qu'il y a en chacun d'eux un obstacle épistémologique et qu'ils tenteront sans relâche de profaner*.

* Cela va sans dire que ça peux prendre aussi bien l'esthétique hostile du nazi que celle paternaliste du gauchiste.

dimanche 13 décembre 2009

#6


« Le spectacle est une misère, bien plus qu'une conspiration. »
Guy Debord

#5

« On le sait maintenant. Ils sont entrés dans les maisons, ils ont déféqués dans les frigos et dans chacune des pièces. Ils ont bombé sur les murs des phrases humiliantes contre l’Islam, ils ont écrit que Dieu était de leur côté. On le sait maintenant, ils se sont servis des hommes et des femmes comme boucliers humains, les menant devant eux avant d’ouvrir les portes pour qu’ils prennent, le cas échéant, les premières balles. On le sait maintenant, ils ont emmené dans la nuit des hommes jeunes encore et puis des moins jeunes, et ils ne sont jamais réapparus. On le sait maintenant, ils avaient une machine qui envoyait la nuit des messages incessants par téléphone en arabe, disant que leur maison, leur appartement, allaient être bientôt bombardés. Pour les protéger en quelque sorte. Chacune des maisons était leur maison. Gaza tout entier était leur maison. D’ailleurs, après être entrés, ils ont refermé la porte derrière eux. Pour ne pas être dérangés en quelque sorte.

On le sait maintenant : les tunnels reliant à l’Égypte, et qu’il s’agissait de détruire, sont reconstruits. Ils servaient d’abord, ils servent encore à faire rentrer des vivres. Les tirs de Kassam, qu’il s’agissait de rendre impossibles, reprendront demain. On le sait maintenant, quand ils n’ont pas approuvé, quand ils ne sont pas restés silencieux, certains Israéliens montaient le samedi après-midi sur une petite colline d’où l’on avait un bon point de vue sur Gaza sous les bombes. Ils prenaient des photos comme d’autres parfois d’un feu d’artifice. Ils jetaient les boîtes de Coca vides dans les corbeilles. Ils engueulaient leurs enfants si ceux-ci disaient des gros mots. Les amoureux se tenaient par la main.

De quoi Gaza est-il le nom ? De rien. Donner un nom à Gaza serait accepter de lui conférer un sens. Or Gaza n’existe qu’en creux, en négatif. Gaza est un trou noir. Un renoncement. Lui donner du sens serait reconnaître qu’il s’est agit d’autre chose que d’un infernal acte d’oubli de soi. Les gosses envoyés à Gaza ont fait un long voyage, les voilà près d’Oradour, tout près. Rentrés victorieux, ils s’y seront totalement perdus. Il n’y a pas eu de guerre à Gaza, mais le mime de la fi n des Juifs. Il n’y a pas eu de guerre à Gaza, mais des massacres à la fois technologiques et puissamment archaïques. Les drones et la merde. Ceux qui parlent de la « guerre de Gaza » ont un cadavre dans la bouche.»
UFJP





Terme audio-visuel : Cinémétèque via La Princesse de Clèves.

#4

« De là sont nés ces bruits reçus dans l'univers,
Qu'aux accents dont Orphée emplit les monts de Thrace,
Les tigres amollis dépouillaient leur audace ;
Qu'aux accords d'Amphion les pierres se mouvaient,
Et sur les monts thébains en ordre s'élevaient.
L'harmonie en naissant produisit ces miracles.
Depuis, le Ciel en vers fit parler les oracles ;
Du sein d'un prêtre, ému d'une divine horreur,
Apollon par des vers exhala sa fureur. »
Nicolas Boileau. L’Art poétique ; Chant IV.





Pink Floyd, Saucerfull of Secrets (Live At Pompeii, 1972).

#3

« On dit : tel n’a pas de talent, il n’a qu'un ton. Mais le ton est justement ce qu’on ne saurait inventer, avec quoi on naît. C’est une grâce héritée, le privilège qu’ont certains de faire sentir leur pulsation organique, le ton c’est plus que le talent, c’en est l’essence. »
Emile Michel Cioran. De l'inconvénient d'être né.


Booba - On M'a dit

« Le pays a mal, Chirac m'a dit arrête; pourtant je lui ai que mis le oigt-d.»
Booba, On m'a dit (Temps Mort, 2001).

Du retour.

« 1. « Trop penser me font amours. » Par moments, au gré d'une piqûre infime, il se déclenche dans ma tête une fièvre de langage, un défilé de raisons, d'interprétations,d'allocutions. Je n'ai plus conscience que d'une machine qui s'entretient elle-même, d'une vielle dont un joueur anonyme tourne la manivelle en titubant, ...et qui ne se tait jamais. Dans la loquèle, rien ne vient empêcher le ressassement. Dès que, par hasard, je produis en moi une phrase « réussie » (dans laquelle je crois découvrir l'expression juste d'une vérité), cette phrase devient une formule que je répète à proportion de l'apaisement qu'elle me donne (trouver le bon mot est euphorique) ; je la remâche, je m'en nourris ; pareil aux enfants ou aux déments atteints de mérycisme, je ravale sans cesse ma blessure et la régurgite. Je roule, je dévide, je trame le dossier amoureux et je recommence (tels sont les sens du verbe meruomaï : rouler, dévider, tramer). »
Roland Barthes. Frangments d'un discours amoureux.

mardi 18 août 2009

Préface de ce carnet : "préface à une mythologie moderne" et sa préface.


Voici donc, pour
déclencher l'escalade ce texte, tout bonnement et littéralement monumental, tant et si bien qu’il m’est passé sous le nez, sans que je m’en émeuve durant presque trois ans où à chaque fois que je rentrais “chez moi” pour la visite technique psychomotrice et scolaire, je le regardais, les yeux morts, couler au fond de la pile des “classiques” que lisait mon frère, et ce, malgré le titre ô combien séduisant du “Paysan de Paris” qui m’évoquait tant la fin de cet embarras persistant devant les touristes anglophones de la capitale. Les aigles n’attrapent pas les mouches, c’est un peu mon histoire avec cette “Préface à une mythologie moderne”. Pendant des années, je “cherchais” des certitudes, du concret, du solide, quelque chose comme un fondamental. Il vous aussi croire que j’avais mes raisons et tout un passé qui n’eut que très peu pu me conduire à autre chose : essayez donc un père qui ne jure que par Hussein (Taha, les tordus!) et le positivisme à 13 ans, dans un contexte idéel dont Laroui a très bien rendu compte dans "L’idéologie arabe contemporaine" : si vous en sortez indemnes c’est que vous êtes quelque chose comme ce qu’un “honnête gens” croit être un Rasta. Mais il y eut le hasard (des hasards?) et “a feast of friends”, et par un mystérieux processus, d’autant plus mystérieux qu’il n’a rien rompu en moi, ni l’angoisse ni la disponibilité, j’en suis venu à chérir mes questions et à les examiner comme signifiantes en elles-mêmes, à n’envisager les réponses que comme de vulgaires culs-de-sacs tout juste bons à loger des trêves braves et brèves. Maintenant, et c’est bien cela ma contradiction motrice, la Vérité m’évoque presque systématiquement la Guerre, la Nation ou la Civilisation : le vertige d’une mort minérale; définitivement? Peu m’importe.

Ce texte, pour ceux qui n’ont pas déserté la page – que je crois reconnaitre et que j’embrasse -, y est foncièrement pour quelque chose, non sous la forme bêtement romantique de la “révélation”, mais sous celle autrement puissante de la reformulation. Une lecture qui ne me fut pas aisée, tant elle a voulu moudre ce qui me tracassait, cependant, j’ai eu raison d’elle et j’envisage, dans un futur indéterminé, de remoudre ce qui occupe ces quelques paragraphes :

“Il me semble que toute idée ait aujourd'hui dépassé sa phase critique. Il est communément reçu qu'un examen général des notions abstraites de l'homme ait épuisé insensiblement celles-ci, que la lumière se soit partout glissée et que rien n'ait ainsi échappé à ce procès universel, susceptible au plus de révision. Nous voyons donc tous les philosophes du monde s'obstiner avant de s'attaquer au moindre problème à l'exposé et à la réfutation de tout ce qu'on dit sur lui leurs devanciers. Et par là même ils ne pensent rien qui ne soit en fonction d'une erreur antérieure, qui ne s'appuie sur elle, qui n'en participe. Curieuse méthode étrangement négatrice : il semble quelle ait peur du génie, là même où rien ne s'imposerait qui ne serait le génie même, l'invention pure et la révélation. L'insuffisance des moyens dialectiques, leur inefficacité dans la voie de toute certitude à tout moment il semble que ceux qui firent de la pensée leur domaine en aient pris passagèrement conscience. Mais cette conscience ne les a entrainé qu'à discuter les moyens dialectiques et non la dialectique même, et encore moins sont objet, la vérité. Ou si celle-ci les a, par miracle occupés, c'est qu'ils la considéraient comme but, et non en elle même. L'objectivité de la certitude, voilà ce que l'on querellait sans difficultés : la réalité de la certitude, personne n'y avait songé.

Les caractères de la certitude varient selon les systèmes personnels des philosophes, de la certitude commune au scepticisme idéal de certains incertains. Mais si réduite soit-elle; par exemple à la conscience de l’être, la certitude se présente pour tous ses scrutateurs avec des caractères propres et définissables qui permettent de la distinguer de l’erreur. La certitude est réalité. De cette croyance fondamentale procède le succès de la fameuse doctrine cartésienne de l’évidence.

Nous n’avons pas fini de découvrir les ravages de cette illusion. Il semble que rien n’ait jamais constitué pour la marche de l’esprit une pierre d’achoppement aussi difficile à éviter que ce sophisme de l’évidence qui flattait une des plus communes façons de penser des hommes. On la rencontre à la base de toute logique. Elle se résout toute preuve que l’homme se donne d’une proposition qu’il énonce. L’homme déduit en se réclamant d’elle. En se réclamant d’elle, il conclut. Et c’est ainsi qu’il s’est fait une vérité changeante, et toujours évidente de laquelle il se demande vraiment pourquoi il n’arrive pas à ce contenter.

Or il est un royaume noir, et que les yeux des hommes évitent, parce que ce paysage ne les flatte point. Cette ombre, de laquelle il prétend se passer pour décrire la lumière, c’est l’erreur avec ses caractères inconnus, l’erreur qui, seule, pourrait témoigner à celui qui l’aurait envisagée pour elle-même, de la fugitive réalité. Mais qui ne saisit que le visage de l’erreur et celui de la vérité ne sauraient avoir des frais différents? L’erreur s’accompagne de certitude. L’erreur s’impose par l’évidence. Et tout ce qui se dit de la vérité, qu’on le dise de l’erreur : on ne se trompera pas davantage. Il n’y aurait pas d’erreur sans le sentiment même de l’évidence.

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J’en étais là de mes pensées, lorsque, sans que rien en eût décelé les approches, le printemps entra subitement dans le monde.

C’était un soir, vers cinq heures, un samedi : tout à coup, c’en est fait, chaque chose baigne dans une autre lumière et pourtant il fait encore assez froid, on ne pourrait dire ce qui vient de se passer. Toujours est-il que le tour des pensées ne saurait rester le même; elles suivent à la déroute une préoccupation impérieuse. On vient d’ouvrir le couvercle de la boîte. Je ne suis plus mon maître tellement j’éprouve ma liberté. Il est inutile de rien entreprendre. Je ne mènerai plus rien au delà de son amorce tant qu’il fera ce temps de paradis. Je suis le ludion de mes sens et du hasard. Je suis comme un joueur assis à la roulette, ne venez pas lui parler de placer l’argent dans les pétroles, il vous rirait au nez. Je suis à la roulette de mon corps et je joue sur le rouge. Tout me distrait indéfiniment, sauf de ma distraction même. Un sentiment comme de noblesse me pousse à préférer cet abandon à tout et je ne saurais entendre les reproches que vous me faites. Au lieu de vous occuper de la conduite des homes, regardez plutôt passer les femmes. Ce sont de grands morceaux de lueurs, des éclats qui ne sont encore point dépouillés de leurs fourrures, des mystères brillants et mobiles. Non je ne voudrais pas mourir sans en avoir approché chacune, l’avoir au moins touché de la main, l’avoir senti fléchir, qu’elle renonce sous cette pression à la résistance, et puis va-t’en! Il arrive qu’on rentre chez soi tard dans la nuit, ayant croisé je ne sais combien de ces miroitements désirables, sans avoir tenté de s’emparer d’aucune de ces vies imprudemment laissées à ma portée. Alors me déshabillant je me demande avec mepris ce que je fais au monde. Est-ce une manière de vivre, et ne faut-il pas que je ressorte pour chercher ma proie, pour être la proie de quelqu’un tout au fond de l’ombre? Les sens ont enfin établi leur hégémonie sur la terre. Que viendrais désormais faire ici la raison? Raison, raison, ô fantôme abstrait de la veille, déjà je t’avais chassé de mes rêves, me voici au point où ils vont se confondre avec les réalités d’apparence : il n’y a plus de place ici que pour moi. En vain la raison me dénonce la dictature de la sensualité. En vain elle me met en garde contre l’erreur, que voici reine. Entrez, Madame, ceci est mon corps, ceci est votre trône. Je flatte mon délire comme un joli cheval. Fausse dualité de l’homme, laisse-moi un peu rêver à ton mensonge.

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Toute notion que j’ai de l’univers, ainsi m’a-t-on, par mille détours, habitué à penser que je ne la crois certaine aujourd’hui que si j’en ai fait l’abstrait examen. On m’a communiqué cet esprit d’analyse, cet esprit et ce besoin. Et comme l’homme qui s’arrache au sommeil, il me faut un effort douloureux pour m’arracher à cette coutume mentale, pour penser simplement, ainsi qu’il semble naturel, suivant ce que je vois et ce que je touché. Cependant la connaissance qui vient de la raison peut-elle un instant s’opposer à la connaissance sensible? Sans doute les gens grossiers qui n’en réfèrent qu’à celle-ci et méprisent celle-là m’expliquent le dédain où est peu à peu tombé tout ce qui vient des sens. Mais quand les plus savant des homes m’auront appris que la lumière est une vibration, qu’ils m’en auront calculé la longueur d’onde, quelle que soit le fruit de leurs travaux raisonnables, il ne m’auront pas rendu compte de ce qui m’importe dans la lumière, de ce que m’apprennent un peu d’elle mes yeux, de ce qui me fait différent de l’aveugle, et qui matière à miracle, et non point objet de raison.

Il n’y a plus de matérialisme grossier qu’on ne croit que dans le sot rationalisme humain. Cette peur de l’erreur, que dans la fuite de mes idées tout, à tout instant, me rappelle, cette manie de contrôle, fait préférer à l’homme l’imagination de la raison à l’imagination des sens. Et pourtant c’est toujours l’imagination seule qui agit. Rien ne peut m’assurer de la réalité, rien ne peut m’assurer que je ne la fonde pas sur un délire d’interprétation, ni la rigueur d’une logique ni la force d’une sensation. Mais dans ce dernier cas l’homme qui en a passé par diverses écoles séculaires s’est pris à douter de soi-même : par quel jeu de miroirs fût-ce au profit de l’autre processus de pensée, on l’imagine. Et voilà l’homme proie aux mathématiques. C’est ainsi que, pour se dégager de la matière, il est devenu le prisonnier des propriétés de la matière.

Au vrai je commence à éprouver en moi la conscience que ni les sens ni la raison ne peuvent, que par un tour d’escamoteur, se concevoir séparés les uns de l’autre, que sans foute ils n’existent que fonctionnellement. Le plus grand triomphe de la raison, au-delà des découvertes, des surprises, des invraisemblances, elle le trouve dans la confirmation d’une erreur populaire. Sa plus grande gloire est de donner un sens précis à des expression de l’instinct, que les demi-savants méprisent. 3a lumière ne se comprend que par l’ombre, et la vérité suppose l’erreur. Ce sont des contraires mêlés qui peuplent notre vie, qui lui donnent la saveur et l’enivrement. Nous n’existons qu’en fonction de ce conflit, dans la zone où se heurtent le blanc et le noir. Et que m’importe le blanc et le noir? Ils sont du domaine de la mort.

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Je ne veux plus me retenir des erreurs de mes doigts, des erreurs de mes yeux. Je sais maintenant qu’elles ne sont pas que des pièges grossiers, mais de curieux chemins vers un but que ne me révéler, qu’elles. A toute erreur des sens correspondent d’étranges fleurs de la raison. Admirables jardins des croyances absurdes, des pressentiment, des obsessions et des délires. Là prennent figure des dieux inconnus et changeants. Je contemplerai ces visages de plomb, ces chènevis de l’imagination. Dans vos châteaux de sable que vous êtes belles, colonnes de fumées! Des mythes nouveaux naissent sous chacun de nos pas. Là où l’homme a vécu commence la légende, là où il vit. Je ne veux plus occuper ma pensée que des transformations méprisées. Chaque jour se modifie le sentiment moderne de l’existence. Une mythologie se noue et se dénoue. C’est une science de la vie qui n’appartient qu’à ceux qui n’en ont point l’expérience. C’est une science vivante qui s’engendre et se fait suicide. M’appartient-il encore, j’ai déjà vint-six ans, de participer à ce miracle? Aurais-je longtemps le sentiment du merveilleux quotidien? Je le vois qui se perd dans chaque homme qui avance dans sa propre vie comme dans un chemin de mieux en mieux pave, qui avance dans l’habitude du monde avec une aisance croissant, qui se défait progressivement du goût de l’insolite. C’est ce que désespérément je ne pourrai jamais savoir.”