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dimanche 13 décembre 2009

Du retour.

« 1. « Trop penser me font amours. » Par moments, au gré d'une piqûre infime, il se déclenche dans ma tête une fièvre de langage, un défilé de raisons, d'interprétations,d'allocutions. Je n'ai plus conscience que d'une machine qui s'entretient elle-même, d'une vielle dont un joueur anonyme tourne la manivelle en titubant, ...et qui ne se tait jamais. Dans la loquèle, rien ne vient empêcher le ressassement. Dès que, par hasard, je produis en moi une phrase « réussie » (dans laquelle je crois découvrir l'expression juste d'une vérité), cette phrase devient une formule que je répète à proportion de l'apaisement qu'elle me donne (trouver le bon mot est euphorique) ; je la remâche, je m'en nourris ; pareil aux enfants ou aux déments atteints de mérycisme, je ravale sans cesse ma blessure et la régurgite. Je roule, je dévide, je trame le dossier amoureux et je recommence (tels sont les sens du verbe meruomaï : rouler, dévider, tramer). »
Roland Barthes. Frangments d'un discours amoureux.