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samedi 24 avril 2010

#92


« Le positivisme marque la fin de la fin théorie de la connaissance. Elle est remplacée par une théorie des sciences. La question logico-transcendantale des conditions de la connaissance possible visait en même temps à expliquer le sens de la connaissance comme telle. Le positivisme coupe court à cette question qui, du fait des sciences modernes, est devenue pour lui vide de sens. La connaissance est implicitement définie par les réalisations des sciences. C'est pourquoi la question transcendantale des conditions de la connaissance possible ne peut être sensément posée que sous la forme d'une question méthodologique concernant les règles de structuration et de vérification des théories scientifiques. (...) Sans doute le positivisme exprime-t-il encore une position philosophique à l'égard de la science; car l'autoconception scientiste des sciences qu'il articule ne coïncide pas avec celles-ci. (...). Ce qu'il y a de philosophique en lui, c'est seulement cet aspect qui est nécessaire pour immuniser les sciences contre la philosophie. Il ne suffit pas de pratiquer une méthodologie : celle-ci doit aussi s'affirmer comme théorie de la connaissance - ou mieux, comme curateur fidèle et légitime de elle-ci. La clé de voute du positivisme est le principe du scientisme selon lequel le sens de la connaissance est défini par ce que réalisent les sciences, et peut par conséquent être expliqué de façon suffisante au moyen de l'analyse méthodique des procédés scientifiques. (...).
Le remplacement de la théorie de connaissance par la théorie de la science apparaît au fait que le sujet connaissant ne représente plus désormais le système de référence. De Kant à Marx, le sujet connaissant à été conçu comme conscience, je, esprit et espèce; les problèmes de validité des énoncés n'ont jamais pu, pour cette raison, être tranché que par référence à une synthèse - qu'elle qu'aient été les modifications du concept de synthèse ou et de celui de sujet. Il était possible d'expliquer le sens de la validité des jugements ou des propositions en recourant à la genèse des conditions qui n'appartiennent pas à la même dimension que les états de choses sur lesquels portent les jugements ou les propositions. On répondait à la question de la connaissance possible par une génétique générale. Toute histoire relate les actes et les destins d'un sujet, fût-ce les actes et les destins par lesquels le sujet se forme en tant que sujet. Mais la théorie de la science renonce à s'interroger sur le sujet connaissant; elle s'oriente directement vers les sciences, qui sont données comme des systèmes de propositions et de procédés, nous pouvons dire aussi : comme un complexe de règles suivant lesquelles les théories sont construite et vérifiées. Les sujets qui procèdent suivant ces règles perdent leur signification pour une théorie de la connaissance restreinte à la méthodologie; les actes et les destins relèves à la rigueur de la psychologie des personnes empiriques auxquelles les sujets de la connaissance ont été rabaissés : ils ne jouent aucun rôle dans le l'élucidation immanente du processus de cognitif. »

Jürgen Habermas; Connaissance et intérêt.


Termes visuels : de haut en bas, Sol Lewitt; Variations of incomplete open cubes (merci Racha) et David Hockney; Portrait of Nicholas Wilder (merci Amelle J.).