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mardi 25 mai 2010

#108




« [Walter] Benjamin soutient que [l'] expérience du choc éprouvée sur le champ de bataille [durant la première guerre dite mondiale] « est devenue la norme » de la vie moderne. Les expériences qui mobilisaient auparavant la conscience sont désormais la source de chocs qu'elle se doit de parer. Dans les guerres modernes ou dans la production industrielle, dans la foule urbaine ou lors de rencontres érotiques, dans les parcs d'attraction ou les maisons de jeux - le choc est devenu l'essence même de l'expérience moderne. L'environnement altéré par la technologie expose le sensorium humain à des chocs physiques qui trouvent leur correspondance dans le choc psychique [...].
Les réaction motrices aux mouvements saccadés d'une machine qui ne cesse de s'interrompre et de se remettre en toute trouvent leur contrepartie psychique dans le « sectionnement du temps » en séquences répétés ne jouissant d'aucun développement. L'effet sur le système cénesthétique est brutalisant. Les facultés mimétiques plutôt que d'incorporer le monde extérieur comme forme d'encapacitation [empowerment] [...] sont utilisés comme barrage contre lui. Le sourire qui apparait automatiquement sur le visage du passant évite le contact; le réflexe « joue le rôle d'un amortisseur mimétique".
La mimésis n'est nulle part plus apparente comme réflexe défensif à l'usine, où (Benjamin cite Marx) « les travailleurs apprennent à "adapter leurs mouvements au mouvement continu et uniforme de l'automate" ». [...] L'exploitation doit être ici être comprise comme une catégorie cognitive et non économique : le machinisme qui nuit à chacun de ces sens humain paralyse l'imagination du travailleur. Son travail est imperméable à l'expérience; sa mémoire est remplacée par des réactions conditionnées. [...] Le système cénesthétique étant mobilisé pour parer les stimuli technologiques, et ce afin de protéger le corps du traumatisme du choc perceptuel, avoir « perdu son expérience » est devenu la condition générale. Le rôle du système [cénesthétique] se trouve dès lors inversé. Son but est d'insensibiliser l'organisme, d'étouffer les sens, de refouler la mémoire : le système cognitif cénesthétique est devenu anesthésique. Dans cette situation de « crise de la perception », il ne s'agit plus simplement d'éduquer l'oreille brute à l'écoute musicale, mais de lui rendre l'audition. Il ne s'agit plus d'éduquer l'œil à la beauté, mais de luis restaurer la « perceptibilité ». »


Susan Buck-Morss; Voir le Capital, théorie critique et culture visuelle.

Terme visuel :
Daito Manabe; Electric stimulus to face -test4 (merci Bader L.)